Le fait
qu’une loi existe ne signifie pas qu’elle est appliquée. Alors que je finis de lire le rapport sur le
projet de l’« Observatoire des tribunaux » rédigé par deux de nos volontaires
au Ghana, je pourrais ajouter cette constatation à la liste des raisons pour
lesquelles favoriser l’accès à la justice des femmes et des filles est un axe
d’intervention essentiel pour Carrefour International.
Bien que la Loi sur la violence domestique (Domestic Violence Act - DVA) ait été votée au Ghana en 2007, la
première enquête de l’Observatoire des tribunaux que nous avons menée en 2012
montrait déjà que la loi n’était pas utilisée parce qu’elle n’était pas connue
des victimes ou de ceux qui étaient censés l’appliquer. La deuxième enquête de
l’Observatoire des tribunaux lancée en 2017 montre que sur les 280 dossiers de
violence fondée sur le genre et de violence domestique observés, seuls
22,5 % ont abouti à des poursuites. C’est encore bien loin de suffire,
mais c’est tout de même une remarquable amélioration par rapport à ce que nous
avons pu constater par le passé. Après avoir passé leurs journées à entendre de
terribles récits de victimes dont certaines n’avaient pas plus de cinq ans, l’équipe
de 10 observateurs locaux et canadiens qui a travaillé sur ce projet a cependant
conclu sans ambiguïté que cette loi est encore trop peu utilisée dans les
tribunaux. Bien qu’ils aient constaté une évolution des mentalités et un véritable désir de transparence et
d’amélioration dans le traitement des cas de violences faites aux femmes, le
nombre insuffisant de policiers formés et la méconnaissance de la loi par le
public et certains personnels de police ou judiciaires entraînent une
application aléatoire de la loi. En plus de cette conclusion inquiétante, les
observateurs ont aussi mis en lumière les nombreux défis auxquels font face les
victimes de violence voulant recourir à la justice. Le combat pour obtenir
justice est rarement facile pour des victimes de violences qui sont fréquemment
l’objet de préjugés et traitées comme les coupables dans l’affaire. En
identifiant les problèmes que posent l’application de cette loi et en offrant
des recommandations, l’initiative « Observatoire des tribunaux » est
un pas important vers l’amélioration de l’accès à la justice des femmes et des filles.
Malheureusement, cette situation n’est pas unique et les mêmes
observations pourraient être faites dans d’autres pays où nous travaillons. Et
c’est la raison pour laquelle les approches que nous mettons en place avec nos
partenaires pour obtenir justice sont cruciales. En Tanzanie, nous appuyons
depuis un an un partenariat entre des volontaires du système de justice
ontarien, notre partenaire tanzanien KWIECO et des représentants de la Cour de
justice du Kilimandjaro. Grâce à plusieurs missions menées à Toronto et à
Moshi, des avocats, des magistrats, des experts des questions sexospécifiques
canadiens spécialisés dans le soutien aux victimes travaillent aujourd’hui main
dans la main avec des policiers, des procureurs, des avocats et des
responsables des affaires sociales tanzaniens afin d’échanger des
connaissances, des compétences et des outils pour permettre aux victimes de violence tanzaniennes de
défendre leurs droits, ainsi que pour renforcer la Cour de justice du
Kilimandjaro. Cet échange canado-tanzanien vise à influencer positivement la Cour
de justice du Kilimandjaro et à créer un cadre juridique mieux coordonné qui
pourrait devenir exemplaire dans tout le pays.
Comme mentionné dans le rapport de l’Observatoire des tribunaux, il
existe un véritable déficit de connaissances et de ressources disponibles sur les
droits des femmes. Pour de nombreuses raisons, dont la lourde emprunte de
traditions et de normes culturelles éculées, beaucoup de victimes ignorent
leurs droits. Il est donc essentiel d’améliorer la sensibilisation des leaders
traditionnels et religieux, des femmes et des filles quant à leurs droits, de
manière à leur permettre de les défendre en cas de nécessité, une tâche
accomplie par notamment par les parajuristes volontaires. En amont, et dès le
plus jeune âge, les clubs d’autonomisation pour filles permettent à une
nouvelle génération de filles de connaitre leurs droits et la manière de les
utiliser. Pour les femmes comme pour les filles, connaître ses droits est la
première étape vers l’égalité.
J’aimerais saluer et louer le travail que nos partenaires et nos volontaires
accomplissent pour traiter les causes sous-jacentes de la violence fondée sur
le genre ainsi que les obstacles systémiques auxquels font face les victimes.
Leur passion pour la justice et les droits des femmes sont une inspiration et
les résultats obtenus montrent qu’en travaillant de concert nous pouvons mettre
en œuvre des méthodes qui aideront le système judicaire à prendre en compte les
besoins des femmes et des enfants et à y répondre.
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