vendredi 30 juin 2017

Des paroles courageuses exigent des actions audacieuses

J’ai été très heureuse d’être invitée le 9 juin au lancement de la nouvelle Politique d’aide internationale féministe. C’était un moment de fierté pour moi, une immigrante dans le pays que j’ai choisi, de me trouver dans un groupe restreint pour entendre l’annonce faite par la ministre du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau. Comme cette politique l’indique, le gouvernement fédéral est en train de réorienter ses politiques publiques de façon à placer la sécurité, les droits et l’autonomisation économique des femmes et des filles au centre de sa stratégie mondiale d’aide au développement. J’étais particulièrement fière que nous, à Carrefour international, ayons fait le même choix il y a plus d’une décennie.

Cette politique promet de renforcer la protection et la promotion des droits humains des femmes et des filles; d’améliorer la participation des femmes et des filles aux prises de décision sur un pied d’égalité, particulièrement en ce qui concerne le développement durable; et de donner aux femmes et aux filles un accès plus équitable aux ressources dont elles ont besoin pour s’assurer de manière permanente l’égalité économique et sociale – ainsi qu’un meilleur contrôle sur ces ressources. Ce sont là les mêmes principes fondamentaux que ceux de notre plan stratégique!

Le gouvernement fédéral s’est aussi engagé à élargir les programmes qui auront pour but de :
  • Traiter de la violence sexuelle et de la violence fondée sur le genre et améliorer l’accès des victimes au système judiciaire
  • Renforcer les capacités des organisations et des mouvements de femmes locaux et appuyer leur travail visant à faire avancer une législation et des politiques qui fassent progresser les droits de la femme
  • Élargir l’accès aux ressources et à la croissance pour les femmes, y compris l’accès à la terre ; améliorer les perspectives économiques et la résilience des femmes des zones rurales d’une manière qui prenne pleinement en compte les effets sur l’environnement et les changements climatiques
  • Favoriser à tous les niveaux de gouvernance le rôle dirigeant des femmes et leur participation à la prise de décision
  • Assurer efficacement la participation des hommes et des garçons

Au cours de mes visites auprès de nos partenaires au cours de l’année passée, j’ai vu exemple après exemple de programmes innovants qui contribuent considérablement à chacun de ces objectifs. Notre travail pour faire progresser l’égalité pour les femmes bénéficie à des communautés entières.

Bien sûr, avec ce nouveau mandat, des discussions plus étendues sur la myriade de détails concernant la manière de mettre en œuvre une politique internationale féministe d’aide au développement seront nécessaires. Carrefour international a hâte de travailler avec le gouvernement et les autres parties prenantes pour en faciliter une mise en œuvre sans heurt.

Un point clé de cette mise en œuvre qui n’est cependant pas encore précisé est la question des ressources. Quatre-vingt pour cent de l’aide au développement sera d’ici 2021-2022 consacré à favoriser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles. Ceci est également une chose formidable.

Le montant total de cette aide n’est cependant pas connu. Comme je vous l’avais mentionné par avance à propos du budget fédéral de 2017, le Canada est en voie de présenter le plus faible engagement en termes d’aide au développement de tous les gouvernements canadiens depuis un demi-siècle, et il s’est placé à la traîne parmi les pays du G7 pour ce qui concerne l’aide internationale au développement. Le plus récent budget n’a rien fait pour répondre à cette préoccupation.

La ministre et le gouvernement fédéral ont montré du courage et de la clairvoyance en s’engageant en faveur d’une politique d’aide internationale féministe. Ils doivent maintenant soutenir leur engagement avec des dollars. Des investissements effectués à bon escient aboutiront à des gains plus substantiels et constitueront une plus forte justification de la stratégie du gouvernement.

Nous avons beaucoup de choses à célébrer en tant que pays à l’occasion de ce 150e anniversaire et cette politique courageuse est l’une d’entre elles. La préparation du prochain budget fédéral est sur le point de commencer. Assurons-nous cette fois que le gouvernement reçoive bien ce message : des paroles courageuses exigent des actions audacieuses ; augmentez l’aide international au développement dès maintenant. Les femmes et les filles du monde entier comptent sur nous.

Pour plus de détail sur la politique d’aide internationale féministe du Canada, rendez-vous sur http://international.gc.ca/world-monde/issues_development-enjeux_developpement/priorities-priorites/policy-politique.aspx?lang=fra



jeudi 1 juin 2017

Obtenons justice pour les femmes de Tanzanie

Je viens de revenir de Tanzanie, où j’ai pu rencontrer nos partenaires pour la première fois. Nos échanges ont été francs et instructifs, même si par moments, j’ai eu peine à entendre certaines réalités. Malgré tout, je rentre au Canada avec un sentiment d’optimisme.

Pendant mon séjour, j’ai été marquée par l’ampleur de la violence fondée sur le genre en Tanzanie, ainsi que par le contexte qui l’entoure. Bien que le Canada ne soit pas exempt de violence systémique, il s’est doté de structures sociétales et de politiques ciblées pour la contrer. Ces mécanismes — que la plupart des Canadiennes et des Canadiens tiennent pour acquis — sont absents en Tanzanie, ce qui est alarmant.

C’est pourquoi ce fut émouvant d’observer les volontaires de Carrefour, avec leur expérience du système judiciaire canadien (un juge du seul Tribunal intégré pour l’instruction des causes de violence familiale au Canada, une procureure de la couronne et une responsable des services d’aide aux victimes et aux témoins de Toronto), travailler avec notre partenaire KWIECO, des officiers de police, des magistrats et des responsables politiques pour partager leur expertise et dispenser des formations sur les réponses systémiques à apporter aux affaires de violence fondée sur le genre dans l’appareil judiciaire.

Ainsi, l’une des premières questions des volontaires concernait la procédure d’accueil lorsqu’une femme victime de violence se présente dans un refuge. La police est-elle appelée ? Voilà une attente qui semble raisonnable ; cependant, la nécessité de soulever cette question démontre à quel point il existe des lacunes dans l’accès des femmes à la justice. Et même quand la bonne volonté est au rendez-vous, elle n’est pas suffisante pour pallier le manque de ressources adéquates. Par exemple, il arrive souvent que la police ne réponde pas à un appel de détresse si le remboursement des frais d’essence pour emmener les victimes en lieu sûr n’est pas assuré !

Les obstacles auxquels font face les victimes de violence dans leur quête de justice ne s’arrêtent pas là. D’une part, le public a peu confiance dans l’intervention de la police. D’autre part, les parajuristes — des acteurs clés dans la quête de justice pour les femmes — occupent un statut précaire dans l’appareil judiciaire, car leur profession n’est pas reconnue par le ministère de la Justice de la Tanzanie. Enfin, les traditions et les préjugés culturels restent un défi. Et tout cela se passe dans un contexte ou 40 % des affaires portées devant les tribunaux de la région du Kilimandjaro concernent les violences fondées sur le genre.

Malgré tout, je suis rentrée au Canada remplie d’espoir et déterminée à en faire davantage. En effet, les progrès sont manifestes : les femmes connaissent mieux leurs droits et sont mieux placées pour exiger que justice soit faite ; la communauté dans son ensemble comprend mieux la violence fondée sur le genre ; et des parajuristes se déplacent pour effectuer des consultations hebdomadaires dans les collectivités. Graduellement, des changements s’opèrent et les mentalités évoluent.

Carrefour et ses partenaires sont à l’avant-garde de cette transformation. Notre programme d’accès à la justice, d’abord déployé au Ghana puis en Tanzanie, constitue un modèle inspirant. Grâce à l’appui du Programme de coopération volontaire du gouvernement du Canada, nous partageons des savoirs et des expertises dans tous nos pays d’intervention, en prenant soin de les adapter à la réalité locale. Le modèle ainsi développé pourrait grandement améliorer l’accès des femmes à la justice, ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes dans plusieurs régions et pays. C’est pourquoi nous devons poursuivre nos efforts.

Éradiquer la violence fondée sur le genre exige d’adopter une approche globale. Il faut améliorer les services de soutien psychologique, un domaine où les besoins sont criants, particulièrement pour les enfants victimes ou témoins de violence. Il faut également faciliter l’accès aux soins de santé, car les hôpitaux sont souvent situés loin des collectivités, ce qui peut compliquer l’obtention de preuves d’agression.


Le changement peut sembler très lent pour une femme et son enfant refugiés dans un foyer pour femmes isolé et qui se demandent si les blessures peuvent guérir et la justice être rendue. Mais ce changement, bien réel, est à notre portée. De plus en plus de femmes se familiarisent avec leurs droits et exigent l’accès à la justice; à mesure que ce phénomène grandira, la violence s’atténuera et les droits seront respectés. Ainsi, avec l’appui de ses volontaires et de ses donateurs, Carrefour continuera de lutter pour la justice aux côtés de ses partenaires, ainsi que des femmes et des filles qu’ils représentent.