Je viens
de revenir de Tanzanie, où j’ai pu rencontrer nos partenaires pour la première
fois. Nos échanges ont été francs et instructifs, même si par moments, j’ai eu
peine à entendre certaines réalités. Malgré tout, je rentre au Canada avec un
sentiment d’optimisme.
Pendant
mon séjour, j’ai été marquée par l’ampleur de la violence fondée sur le genre
en Tanzanie, ainsi que par le contexte qui l’entoure. Bien que le Canada ne
soit pas exempt de violence systémique, il s’est doté de structures sociétales et
de politiques ciblées pour la contrer. Ces mécanismes — que la plupart des
Canadiennes et des Canadiens tiennent pour acquis — sont absents en Tanzanie, ce
qui est alarmant.
C’est
pourquoi ce fut émouvant d’observer les volontaires de Carrefour, avec leur
expérience du système judiciaire canadien (un juge du seul Tribunal intégré
pour l’instruction des causes de violence familiale au Canada, une procureure de
la couronne et une responsable des services d’aide aux victimes et aux témoins
de Toronto), travailler avec notre partenaire
KWIECO, des officiers de police, des magistrats et des responsables politiques
pour partager leur expertise et dispenser des formations sur les réponses systémiques
à apporter aux affaires de violence fondée sur le genre dans l’appareil
judiciaire.
Ainsi,
l’une des premières questions des volontaires concernait la procédure d’accueil
lorsqu’une femme victime de violence se présente dans un refuge. La police
est-elle appelée ? Voilà une attente qui semble raisonnable ; cependant, la
nécessité de soulever cette question démontre à quel point il existe des
lacunes dans l’accès des femmes à la justice. Et même quand la bonne volonté
est au rendez-vous, elle n’est pas suffisante pour pallier le manque de
ressources adéquates. Par exemple, il arrive souvent que la police ne réponde
pas à un appel de détresse si le remboursement des frais d’essence pour emmener
les victimes en lieu sûr n’est pas assuré !
Les
obstacles auxquels font face les victimes de violence dans leur quête de
justice ne s’arrêtent pas là. D’une part, le public a peu confiance dans
l’intervention de la police. D’autre part, les parajuristes — des acteurs clés
dans la quête de justice pour les femmes — occupent un statut précaire dans
l’appareil judiciaire, car leur profession n’est pas reconnue par le ministère
de la Justice de la Tanzanie. Enfin, les traditions et les préjugés culturels restent
un défi. Et tout cela se passe dans un contexte ou 40 % des affaires portées
devant les tribunaux de la région du Kilimandjaro concernent les violences
fondées sur le genre.
Malgré
tout, je suis rentrée au Canada remplie d’espoir et déterminée à en faire davantage.
En effet, les progrès sont manifestes : les femmes connaissent mieux leurs
droits et sont mieux placées pour exiger que justice soit faite ; la communauté
dans son ensemble comprend mieux la violence fondée sur le genre ; et des parajuristes
se déplacent pour effectuer des consultations hebdomadaires dans les
collectivités. Graduellement, des changements s’opèrent et les mentalités
évoluent.
Carrefour
et ses partenaires sont à l’avant-garde de cette transformation. Notre
programme d’accès à la justice, d’abord déployé au Ghana puis en Tanzanie,
constitue un modèle inspirant. Grâce à l’appui du Programme de coopération
volontaire du gouvernement du Canada, nous partageons des savoirs et des
expertises dans tous nos pays d’intervention, en prenant soin de les adapter à
la réalité locale. Le modèle ainsi développé pourrait grandement améliorer l’accès
des femmes à la justice, ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes
dans plusieurs régions et pays. C’est pourquoi nous devons poursuivre nos
efforts.
Éradiquer
la violence fondée sur le genre exige d’adopter une approche globale. Il faut améliorer
les services de soutien psychologique, un domaine où les besoins sont criants, particulièrement
pour les enfants victimes ou témoins de violence. Il faut également faciliter
l’accès aux soins de santé, car les hôpitaux sont souvent situés loin des collectivités,
ce qui peut compliquer l’obtention de preuves d’agression.
Le
changement peut sembler très lent pour une femme et son enfant refugiés dans un
foyer pour femmes isolé et qui se demandent si les blessures peuvent guérir et
la justice être rendue. Mais ce changement, bien réel, est à notre portée. De
plus en plus de femmes se familiarisent avec leurs droits et exigent l’accès à
la justice; à mesure que ce phénomène grandira, la violence s’atténuera et les
droits seront respectés. Ainsi, avec l’appui de ses volontaires et de ses
donateurs, Carrefour continuera de lutter pour la justice aux côtés de ses
partenaires, ainsi que des femmes et des filles qu’ils représentent.
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