vendredi 6 juillet 2018

Faire progresser l’accès à la justice grâce à l’engagement volontaire


Le fait qu’une loi existe ne signifie pas qu’elle est appliquée. Alors que je finis de lire le rapport sur le projet de l’« Observatoire des tribunaux » rédigé par deux de nos volontaires au Ghana, je pourrais ajouter cette constatation à la liste des raisons pour lesquelles favoriser l’accès à la justice des femmes et des filles est un axe d’intervention essentiel pour Carrefour International.

Bien que la Loi sur la violence domestique (Domestic Violence Act - DVA) ait été votée au Ghana en 2007, la première enquête de l’Observatoire des tribunaux que nous avons menée en 2012 montrait déjà que la loi n’était pas utilisée parce qu’elle n’était pas connue des victimes ou de ceux qui étaient censés l’appliquer. La deuxième enquête de l’Observatoire des tribunaux lancée en 2017 montre que sur les 280 dossiers de violence fondée sur le genre et de violence domestique observés, seuls 22,5 % ont abouti à des poursuites. C’est encore bien loin de suffire, mais c’est tout de même une remarquable amélioration par rapport à ce que nous avons pu constater par le passé. Après avoir passé leurs journées à entendre de terribles récits de victimes dont certaines n’avaient pas plus de cinq ans, l’équipe de 10 observateurs locaux et canadiens qui a travaillé sur ce projet a cependant conclu sans ambiguïté que cette loi est encore trop peu utilisée dans les tribunaux. Bien qu’ils aient constaté une évolution des mentalités et un véritable désir de transparence et d’amélioration dans le traitement des cas de violences faites aux femmes, le nombre insuffisant de policiers formés et la méconnaissance de la loi par le public et certains personnels de police ou judiciaires entraînent une application aléatoire de la loi. En plus de cette conclusion inquiétante, les observateurs ont aussi mis en lumière les nombreux défis auxquels font face les victimes de violence voulant recourir à la justice. Le combat pour obtenir justice est rarement facile pour des victimes de violences qui sont fréquemment l’objet de préjugés et traitées comme les coupables dans l’affaire. En identifiant les problèmes que posent l’application de cette loi et en offrant des recommandations, l’initiative « Observatoire des tribunaux » est un pas important vers l’amélioration de l’accès à la justice des femmes et des filles.

Malheureusement, cette situation n’est pas unique et les mêmes observations pourraient être faites dans d’autres pays où nous travaillons. Et c’est la raison pour laquelle les approches que nous mettons en place avec nos partenaires pour obtenir justice sont cruciales. En Tanzanie, nous appuyons depuis un an un partenariat entre des volontaires du système de justice ontarien, notre partenaire tanzanien KWIECO et des représentants de la Cour de justice du Kilimandjaro. Grâce à plusieurs missions menées à Toronto et à Moshi, des avocats, des magistrats, des experts des questions sexospécifiques canadiens spécialisés dans le soutien aux victimes travaillent aujourd’hui main dans la main avec des policiers, des procureurs, des avocats et des responsables des affaires sociales tanzaniens afin d’échanger des connaissances, des compétences et des outils pour permettre  aux victimes de violence tanzaniennes de défendre leurs droits, ainsi que pour renforcer la Cour de justice du Kilimandjaro. Cet échange canado-tanzanien vise à influencer positivement la Cour de justice du Kilimandjaro et à créer un cadre juridique mieux coordonné qui pourrait devenir exemplaire dans tout le pays.

Comme mentionné dans le rapport de l’Observatoire des tribunaux, il existe un véritable déficit de connaissances et de ressources disponibles sur les droits des femmes. Pour de nombreuses raisons, dont la lourde emprunte de traditions et de normes culturelles éculées, beaucoup de victimes ignorent leurs droits. Il est donc essentiel d’améliorer la sensibilisation des leaders traditionnels et religieux, des femmes et des filles quant à leurs droits, de manière à leur permettre de les défendre en cas de nécessité, une tâche accomplie par notamment par les parajuristes volontaires. En amont, et dès le plus jeune âge, les clubs d’autonomisation pour filles permettent à une nouvelle génération de filles de connaitre leurs droits et la manière de les utiliser. Pour les femmes comme pour les filles, connaître ses droits est la première étape vers l’égalité.

J’aimerais saluer et louer le travail que nos partenaires et nos volontaires accomplissent pour traiter les causes sous-jacentes de la violence fondée sur le genre ainsi que les obstacles systémiques auxquels font face les victimes. Leur passion pour la justice et les droits des femmes sont une inspiration et les résultats obtenus montrent qu’en travaillant de concert nous pouvons mettre en œuvre des méthodes qui aideront le système judicaire à prendre en compte les besoins des femmes et des enfants et à y répondre.